vmagnin@univ

Accueil > Enseignement > Cours gratuits > Optimisation et algorithmes génétiques > Exemple d’optimisation par AG

Exemple d’optimisation par AG

vendredi 7 juillet 2006, par Vincent MAGNIN

Nous présentons l’optimisation de commutateurs à réflexion interne totale (ou commutateurs TIR ), étude effectuée dans le cadre d’une collaboration entre l’IEMN et Dassault Electronique. Un commutateur directionnel permet d’aiguiller la lumière dans un guide ou un autre en faisant varier l’indice de réfraction au niveau de l’embranchement. Ces composants sont destinés à la réalisation de matrices de commutation pour la génération de retards temporels, afin de commander des antennes actives. Ils sont constitués de deux guides sécants et d’une électrode surplombant l’intersection (figure 1). Cette électrode permet d’injecter des porteurs dans la structure (figure 2). Une injection forte de courant peut entraîner une diminution d’indice de réfraction allant jusqu’à plusieurs pour-cent, suffisamment importante pour induire une réflexion totale. Pour plus de détails sur ces composants, le lecteur se reportera à [Cayrefourcq, thèse 1998].

Figure 1
Structure et principe de fonctionnement d’un commutateur TIR, dans l’état passant (à gauche) et l’état commutant (à droite).

Les commutateurs optiques sont caractérisés par le courant I s nécessaire pour commuter, les pertes qui sont la différence en dB des puissances d’entrée et de sortie, et la diaphonie qui est la différence en dB des puissances des deux sorties. Les pertes et la diaphonie sont bien sûr données pour l’ état passant // et l’ état commutant X.

Variables d’optimisation

Figure 2
Epitaxie, schémas du commutateur TIR et principales variables d’optimisation.

Les sept variables que nous avons prises en compte dans notre optimisation sont (figure 2) : l’angle entre les deux guides \theta , la largeur des guides l , la largeur du miroir e , la longueur du miroir lm , le décalage de l’axe du miroir dm , la largeur de la zone intermédiaire e2 , et la consommation du miroir Is (fonction de la variation d’indice dn ). Ces variables sont soit intrinsèques (paramètres géométriques), soit extrinsèques (consommation). Pour indication, nous donnons les caractéristiques et performances mesurées des composants réalisés avant la mise au point de notre algorithme :

\theta l e lm dm e2 Is Pertes Pertes Diaphonie Diaphonie
(°) (µm) (µm) (µm) (µm) (µm) (mA) // dB X dB // dB X dB
4 4 2 150 0 2 175 0,3 0,4 -20 -15

Tableau 1 : caractéristiques et performances mesurées du commutateur TIR de départ.

Les caractéristiques de ce composant avaient été optimisées " à la main ", c’est-à-dire par la méthode d’essai et erreur, en utilisant une BPM-2D (modèle physique de la propagation de la lumière dans les guides d’onde) [Cayrefourcq, 1998a]. Ce travail avait été relativement laborieux et limité à un petit nombre d’essais. Néanmoins, il nous laissait déjà présager l’existence de fortes interactions entre certaines variables. Ainsi, l’angle optimum entre les guides semble fortement dépendant de la variation d’indice dans le miroir, ce qui influe sur les paramètres géométriques de ce dernier.

Espace de recherche

Une fois choisies les variables d’optimisation, il faut définir, c’est-à-dire limiter, l’espace de recherche correspondant à l’aide de considérations physiques, technologiques et numériques. Nous savons par exemple que l’angle \theta ne doit pas être trop petit pour éviter tout couplage entre guides adjacents. Il ne doit pas non plus être trop grand car la variation d’indice nécessaire et donc la consommation serait trop importante. De plus, le modèle physique utilisée suppose que la lumière se propage dans une direction proche de l’axe de simulation (approximation paraxiale). Quant aux dimensions du miroir, elles doivent répondre à un compromis entre consommation, efficacité et facilité de fabrication. A l’aide de telles considérations, nous avons défini l’espace de recherche suivant :

\theta (°) l(µm) e(µm) lm(µm) dm(µm) e2(µm)
Limite inférieure 1 1 0,5 50 0 0
Limite supérieure 12 6 4 500 3 6

Tableau 2 : espace de recherche pour l’optimisation du commutateur TIR.

Fonctions objectif

Nos objectifs sont des pertes optiques faibles, une diaphonie faible et une consommation faible. Nous définissons donc les fonctions objectif f i suivantes, calculées pour chaque composant à partir de deux simulations (états // et X) :


Ex est l’énergie dans le guide x . (1)

Ces fonctions objectif augmentent linéairement de 0 jusque 1 quand la diaphonie et les pertes décroissent. Pour tenir compte de la consommation, nous avons étudié la structure du commutateur à l’aide d’un modèle physique électrique (Modèle Energie). Ce qui nous a permis d’aboutir à une formule nous donnant le courant Is consommé par un commutateur en fonction des paramètres d’optimisation. La fonction objectif associée à la consommation du commutateur s’écrit alors simplement :


Ismax correspond au cas le plus défavorable possible dans l’espace de recherche étudié. (2)

Cette fonction augmente linéairement de 0 vers 1 quand la consommation diminue.

Fonction de fitness

Après avoir défini nos fonctions objectif, nous avons définie la fonction d’adaptation par une simple somme pondérée des fonctions objectif :


Les coefficients \alpha i permettent de privilégier tel ou tel objectif suivant les applications visées. (3)

On peut ainsi orienter l’évolution vers un composant qui consomme peu mais dont les pertes optiques sont importantes ou vers un composant dont les pertes seront très faibles mais qui nécessitera une alimentation conséquente.

Résultats

Le temps de calcul du modèle physique (BPM-2D) pour notre composant est de quelques secondes sur un Pentium III actuel. Une population de 100 individus nous a alors paru un bon compromis entre temps de calcul et convergence, nous permettant ainsi de calculer entre 100 et 200 générations en une nuit.

Optimisation sans tenir compte de la consommation

Dans un premier temps, nous avions optimisé le composant uniquement en tenant compte des pertes et de la diaphonie, c’est-à-dire que nous n’avions pas pris en compte la consommation : nous avons ainsi fixé la variation d’indice dn à 0,02 correspondant à une densité de courant d’environ 2.10^7 mA.cm-2. Etant donné que nous accordons autant d’importance aux pertes qu’à la diaphonie et ce dans les deux états du commutateur, chaque fonction objectif a le même poids. La fonction d’adaptation est donc :

(4)

Après convergence, le meilleur composant obtenu était le suivant :

\theta l e lm dm e2 Is Pertes Pertes Diaphonie Diaphonie
(°) (µm) (µm) (µm) (µm) (µm) (mA) // dB X dB // dB X dB
5,3 5,53 3,98 281 0,12 1,94 290 0,02 0,1 -19,2 -31

Tableau 3 : composant optimisé sans tenir compte de la consommation.

Par rapport au composant de départ (tableau 1), on observe une grande amélioration : les pertes deviennent négligeables et la diaphonie s’améliore fortement dans l’état commutant. Cependant, la consommation est excessive car la surface de l’électrode a été quasiment multipliée par quatre.

Prise en compte de la consommation

Nous avons donc ensuite introduit la consommation dans notre fonction d’adaptation :


où le coefficient \alpha nous permet de pondérer l’importance de la consommation. (5)

L’espace de recherche passe de 6 à 7 dimensions, puisqu’il faut introduire la variation d’indice de réfraction, liée à la consommation :

\theta(°) l(µm) e(µm) lm(µm) dm(µm) e2(µm) dn
Limite inférieure 1 1 0,5 50 0 0 0,001
Limite supérieure 12 6 4 500 3 6 0,02

Tableau 4 : espace de recherche avec prise en compte de la consommation du commutateur TIR.

De nombreux lancements de l’Algorithme Génétique avec différents coefficients a nous ont amené à penser que la réduction de la consommation ne passe pas nécessairement par la réduction de la surface du miroir. Quand la surface du miroir augmente, il semble que la variation d’indice nécessaire à obtenir la commutation diminue. Ceci s’explique par le fait que si la consommation est proportionnelle à la surface du miroir, elle varie suivant une loi exponentielle en fonction du changement d’indice. Nous présentons ci-dessous les meilleurs composants obtenus pour différentes pondérations \alpha :

\alpha q l e lm dm e2 dn Is Pertest Pertest Diaphonie Diaphonie
(°) (µm) (µm) (µm) (µm) (µm) (µm) (mA) // dB X dB // dB X dB
0,2 3,6 5,57 3,06 221 0,14 2,93 0,015 81,15 0,24 0,08 -15 -20,1
0,5 3,9 5,59 2,88 253 0,15 4,2 0,015 65,6 0,20 0,17 -17,3 -18,5
1 3,2 5,58 3,47 271 0,15 0,005 0,010 47,1 0,23 0,19 -16,3 -16,85

Tableau 5 : meilleurs résultats obtenus par l’AG, selon l’importance accordée à la consommation.

Comme on pouvait s’y attendre, les propriétés du composant sont globalement d’autant meilleures que la consommation est plus importante. Le choix du composant à fabriquer se fait en fonction de l’application, selon que l’utilisateur préfère un composant de qualité moyenne et peu gourmand en énergie ou un composant ayant de très bonnes propriétés mais ayant une consommation plus importante.

Bibliographie relative aux commutateurs optiques

- Cayrefourcq I., Conception et fabrication de matrices de commutation optiques en vue de la réalisation de modules de synthèse de retards temporels , Thèse de l’Université des Sciences et Technologies de Lille, 1998.
- Cayrefourcq I., Schaller M., Fourdin C., Vilcot J.P., Harari J. et Decoster D., " Optical switch design for true time delay array antenna ", IEE Proceedings on Optoelectronics part J , vol. 145, n°1, p. 77-82, 1998a.
- Cayrefourcq I., Schaller M., Vilcot J.P., Harari J., Gouy J.P. et Decoster D., " Low Power Consumption 1x4 Cascade Switch for Microwave Applications ", Microwave and Optical Technology Letters , juillet 1998b.
- Hunsperger R.G., Integrated Optics : theory and technology . New-York : Springer-Verlag, 1995.
- Moosburger R., Kostrzewa C., Fischbeck G. et Petermann K., " Shaping the Digital Optical Switch Using Evolution Strategies and BPM ", IEEE Photonics Technology Letters , vol. 9, n°11, p. 1484-1486, novembre 1997.


Chapitre suivant